La Chine a annoncé un accord avec Djibouti pour la construction d’une base militaire navale dans ce petit pays de la Corne de l’Afrique. Officiellement pour participer aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, d’effectuer des missions navales anti-piraterie au large de la Somalie et de fournir une assistance humanitaire en cas de crise. Mais il s’agit également pour la Chine de sécuriser ses importants intérêts commerciaux dans la région et d’affirmer son identité de grande puissance, au même titre que les Etats-Unis ou la France, déjà présents.
Depuis quelques années, Djibouti se couvre de chantiers : le port international de Doraleh et son terminal pétrolier, mais aussi le train remplaçant l’ancien chemin de fer français tombé en désuétude. Des routes neuves mènent vers l’Ethiopie et Djibouti abrite aussi des mines de potasse, un oléoduc. Et bientôt donc une nouvelle base militaire. Point commun de tous ces chantiers : ils sont chinois.
Pour Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique, Djibouti est pour la Chine une porte d’entrée idéale vers l’arrière-pays africain, où ses activités commerciales prospèrent : en Ethiopie surtout, mais aussi au Sud-Soudan, et jusqu’aux Grands Lacs.
Positionnement sur le long terme
C’est cela aussi que protègera la base de Djibouti, ajoute l’universitaire. De même la Chine entend rassurer ses travailleurs expatriés, qui commencent à être victimes du terrorisme, comme récemment au Radisson Blu de Bamako, où trois Chinois sont morts.
Selon Antoine Kernen, de l’Institut des sciences sociales de Lausanne, s’implanter militairement à Djibouti est aussi un moyen de « jouer dans la cour des grands », à portée de jumelles des militaires français et américains. Pour autant, ce n’est pas une provocation belliqueuse, ajoute-t-il. Il s’agit plutôt d’un positionnement pariant sur le long terme, offrant dans l’immédiat à la Chine dans la Corne de l’Afrique un rôle d’observateur prudent.
■ Vu de Chine
Comme d’autres pays, la Chine, très présente en Afrique, souhaite profiter de la position stratégique unique de la cité portuaire à proximité d’un des corridors maritimes les plus fréquentés dans le monde.
Avec notre correspondante à Pékin, Heike Schmidt
En installant sa première base militaire à l’étranger, Pékin accomplit un pas important vers son objectif de devenir une puissance maritime internationale.
Depuis 2008, la Chine a déjà envoyé 60 navires dans le Golf d’Aden – des missions d’escorte destinées à prévenir des attaques de pirates. Mais faute de disposer de sa propre base logistique, l’armée chinoise a rencontré des difficultés pour réapprovisionner ses navires. Les nouvelles installations doivent donc « aider à fournir de meilleurs services aux troupes », selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hong Lei.
La base de Djibouti sera aussi utile pour les missions des Nations unies au Mali, au Darfour ou encore au Sud Soudan, car avec plus de 3000 soldats, la Chine fait aujourd’hui partie des nations qui envoient le plus de casques bleus en Afrique.
Cet engagement militaire n’est pas désintéressé : la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique et un million de Chinois y vivent. Pékin se doit donc de protéger ses investissements et ses ressortissants, comme le font déjà les Américains, les Français et les Japonais, tous présents à Djibouti.