Djibouti, dirigé par Ismaïl Omar Guelleh depuis 1999, se dirige vers une nouvelle élection présidentielle en avril 2016. L’opposition tente de se mobiliser pour que le scrutin soit transparent, dans un contexte que ses militants estiment très répressif.
Le président djiboutien, surnommé IOG, n’a pas encore annoncé s’il se présenterait ou non pour un quatrième mandat. Il devrait trancher d’ici quelques semaines.
Le régime d’IOG bénéficie de nombreux soutiens étrangers. En effet, ce pays de la corne de l’Afrique, ancienne colonie française stable et à l’emplacement stratégique, abrite plusieurs bases militaires, française et américaine notamment.
Un militant de l’Union pour le Salut national (USN), coalition de partis d’opposition, raconte leur meeting politique du 20 novembre, entre intimidations et arrestations.
Maydane Okieh, est journaliste pour l’hedomadaire « La Voix de Djibouti » et membre de l’USN :
Même si le meeting était autorisé, la tension était vive. Les gens sont venus à pied, certains ont marché plus de 5 km pour participer, car les transports avaient reçu le mot d’ordre de ne pas conduire les militants à Balbala Cheickh Moussa [banlieue de Djibouti où se déroulait le rassemblement]. Ils ont menacé les chauffeurs de leur retirer leur permis de conduire.
La population est tout de même venue. Les ténors de l’opposition ont pris la parole chacun leur tour, je couvrais le meeting pour mon journal « La Voix de Djibouti « . J’étais en train de ranger mon matériel, ma caméra, le micro, avec un collègue, quand les gendarmes nous ont arrêtés, mon collègue et moi, et deux autres personnes de l’USN. Ils nous ont conduits au poste de gendarmerie tout proche. J’ai reçu une claque dans le cou et une autre sur la figure. Ils nous ont dit de nous déshabiller, mais on a refusé de le faire complètement, on a gardé nos pantalons. Ils nous ont accusés d’être responsables de dérapages – car des jeunes ont jeté des pierres et causé des dégâts.
Nous avons été détenus une heure et demie, de 18 h à 19 h 30, puis relâchés. [Maydane Okieh dit avoir été arrêté huit fois depuis 2013 et avoir passé plusieurs mois en prison. Il affirme que ses ennuis ont commencé avec la publication de la photo d’un policier se livrant à des actes de torture].
Nous venons de tenir une réunion avec l’opposition, elle prévoit de reproduire ces meetings d’information dans six villes du pays. On veut que le gouvernement applique l’accord-cadre, instaurant une commission électorale indépendante avant la fin de l’année.
Cet accord-cadre, accepté fin 2014 par le gouvernement et l’opposition, doit permettre la création d’une commission électorale indépendante. Mais ce texte n’a toujours pas été rédigé. Le gouvernement indique avoir « des difficultés à trouver un compromis ».
Le ministre des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement, Mahamoud Ali Youssouf, donne la version des autorités sur le meeting du 20 novembre.
La police ne nous a pas signalé d’arrestation, ni d’incident. Ce meeting n’a pas posé de problème, il n’y a pas eu de casse. Quant aux bus, ce sont des services privés, on n’a pas d’action sur eux, il n’y a pas de transport public à Djibouti, donc ça n’a pas de sens de dire que les bus ne circulaient pas. Le meeting a dû réunir entre 5 000 et 10 000 personnes, en réaction à la marche de la société civile du 1er novembre [pro-pouvoir]. Nous sommes dans une phase ou les deux partis se préparent a la présidentielle, il est normal de galvaniser ses sympathisants d’un côté comme de l’autre.
« Le Président mise sur l’essoufflement de l’opposition »
Miguil Mata, blogueur, est l’un de nos Observateurs à Djibouti.
Je ne dirais pas que c’était une manifestation ‘historique’, comme l’a présentée l’opposition, je crois que j’en ai vu de précédentes beaucoup plus importantes. Les officiels n’utilisent pas le terme de quatrième mandat, ils préfèrent dire ‘nouveau mandat’. [Élu en 1999, le président Ismaïl Omar Guelleh a été réélu en 2005 puis en 2011 après une révision de la Constitution, qui a supprimé la limitation du nombre de mandatsà deux.]
En général, c’est difficile de manifester pour les militants de l’opposition, ils peuvent subir des actes d’intimidation ou être agressés par les forces de sécurité, voire être arrêtés et torturés. Une manifestation est tout de même dangereuse pour les opposants, même si elle est autorisée.
Je crois que l’opposition, depuis les élections contestées de février 2013, s’essouffle un peu. Cependant, elle est encore crédible. Le président pensait qu’elle allait éclater, mais ça n’a pas été le cas : elle reste toujours soudée tant a l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. Il faut tout de même noter que l’opposition a perdu l’un de ses ténors tout récemment Ismail Guedi Hared, qui est mort en France.
À Djibouti, les médias n’ont presque pas relayé le meeting du 20 novembre. En revanche, la marche du 1er novembre, pour soutenir un nouveau mandat du président Guelleh, a fait la une de toute la presse écrite et audiovisuelle locale.